J.O. 256 du 4 novembre 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Délibération n° 2006-183 du 18 septembre 2006


NOR : ADEX0609664X



Le collège,

Vu la loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ;

Vu le décret no 2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ;

Sur proposition du président,

Décide :


Article 1


Le collège de la Haute Autorité adopte le rapport spécial annexé ci-après relatif à la réclamation de M. T. et aux suites données à la délibération no 2005-34 du 26 septembre 2005.

Article 2


En application de l'article 11 de la loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004, la présente délibération ainsi que le rapport spécial qui y est annexé seront publiés au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 18 septembre 2006.


Le président,

L. Schweitzer



RAPPORT SPÉCIAL



1. La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité peut rendre publiques ses recommandations dans les conditions fixées aux articles 11 de la loi du 30 décembre 2004 en portant création et 31 de son décret d'application du 4 mars 2005.

2. La Haute Autorité a été saisie par M. T. au sujet des difficultés qu'il rencontre du fait de son handicap dans l'accès au concours externe du professorat d'éducation physique et sportive (EPS) et au recrutement par la voie contractuelle spécifique aux personnes handicapées.

3. M. T., sportif de haut niveau, titulaire d'une maîtrise en sciences et techniques des activités physiques et sportives et justifiant d'une qualification en secourisme, indique qu'il a un handicap auditif modéré, dû à un problème de tympan qui l'empêche de plonger sous l'eau. La COTOREP lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé, classé en catégorie B pour une durée de dix ans à compter du 1er décembre 2002.

4. Il précise avoir obtenu un certificat médical d'un médecin agréé du rectorat de Rouen attestant qu'il « n'a pas de contre-indication médicale à l'enseignement du sport dans l'éducation nationale ».

5. Pour autant, il ne peut, du fait de son handicap, obtenir l'attestation au sauvetage aquatique considérée comme un prérequis au concours d'EPS.

6. L'article 1er du décret no 2004-592 du 17 juin 2004 relatif aux qualifications en sauvetage aquatique et en secourisme prévoit que les personnels chargés d'assurer l'enseignement de l'éducation physique et sportive dans les établissements d'enseignement publics et dans les établissements d'enseignement privés sous contrat du second degré relevant du ministère chargé de l'éducation doivent justifier avant leur recrutement de leur qualification en sauvetage aquatique et en secourisme.

7. A cet égard, le ministère de l'éducation nationale a signifié à M. T. qu'il ne pourrait pas s'inscrire au concours ni être recruté en qualité d'agent contractuel, n'attestant pas des compétences requises (attestation au sauvetage aquatique) en matière d'EPS du fait de son handicap.

8. L'article 27 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984, récemment modifiée par la loi no 2005-102 du 11 février 2005, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dispose dans son paragraphe 1 qu'« aucun candidat ayant fait l'objet d'une orientation en milieu ordinaire de travail par la commission prévue à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles ne peut être écarté, en raison de son handicap, d'un concours ou d'un emploi de la fonction publique, sauf si son handicap a été déclaré incompatible avec la fonction postulée à la suite de l'examen médical destiné à évaluer son aptitude à l'exercice de sa fonction, réalisé en application des dispositions du 5° de l'article 5 ou du 4° de l'article 5 bis du titre Ier du statut général des fonctionnaires ».

9. Enfin, l'article 6 sexies de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, fruit de la transposition de la directive européenne 2000/78/CE, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, prévoit qu'« afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur ».

10. La mesure qui prévoit que l'attestation au sauvetage aquatique est un prérequis à l'inscription au concours du professorat d'EPS ou au recrutement par la voie contractuelle a pour effet d'exclure de l'accès à cet emploi tous les candidats qui, du fait de leur handicap spécifique, ne peuvent répondre à cette exigence, quelle que soit leur aptitude à exercer les fonctions relatives au poste pour lequel ils postulent. La qualification au sauvetage aquatique exigée pour l'inscription au concours constitue donc une discrimination indirecte, à moins que ne soit établie l'incompatibilité entre le handicap et la fonction postulée.

11. Conformément à la délibération du collège de la Haute Autorité no 2005-34 du 26 septembre 2005, le président a recommandé au ministre de l'éducation et à la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées de modifier le décret no 2004-592 du 17 juin 2004 relatif aux qualifications en sauvetage aquatique et en secourisme, conformément au droit en vigueur relatif à l'aménagement raisonnable de l'accès à la fonction publique des personnes handicapées et au principe de non-discrimination.

12. Dans la réponse en date du 3 mars 2006, adressée par le ministre de l'éducation nationale, il est réaffirmé que l'obligation de posséder une qualification en sauvetage aquatique et en secourisme constitue une condition substantielle qui doit être remplie, soit à la date de clôture des registres d'inscription pour les candidats au concours de recrutement, soit lors de la présentation d'une demande de recrutement par la voie contractuelle. Selon le directeur des personnels enseignants, la circonstance qu'une personne présentant ou non un handicap ne puisse obtenir l'attestation reconnaissant l'aptitude au sauvetage aquatique ne constitue pas à son égard une discrimination.

13. S'agissant de l'aménagement raisonnable, il est souligné qu'il n'est pas possible de confier une partie d'enseignement à un assistant, « ce dernier étant par nature une personne non spécialisée, pouvant aider l'enseignant handicapé uniquement pour la surveillance des élèves et pour les aspects matériels de ses fonctions ». Selon le ministère, un assistant ne saurait se substituer à un enseignant en ce qui concerne la responsabilité à l'égard des élèves.

14. Il est ajouté que la possibilité de confier l'enseignement de la natation à d'autres collègues ne pourrait être organisée d'une façon durable et serait d'ailleurs impossible à mettre en oeuvre dans beaucoup d'établissements. Enfin, le ministère conteste la compatibilité du handicap de M. T. avec la fonction postulée.

15. Le ministère de l'éducation nationale manifeste ainsi sa volonté de ne pas donner suite aux recommandations de la Haute Autorité.

16. Ainsi qu'il résulte de la délibération précitée, le collège de la Haute Autorité considère que la qualification au sauvetage aquatique exigée pour l'inscription au concours du professorat d'éducation physique et le recrutement par la voie contractuelle constitue une discrimination indirecte.

17. Il recommande à nouveau au ministre de l'éducation nationale de modifier le décret no 2004-592 du 17 juin 2004 portant sur l'attestation au sauvetage aquatique afin de s'assurer de sa conformité avec la loi no 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le principe de non-discrimination et de procéder au réexamen du dossier du réclamant.